La Pervitin, catalyseur du Blitzkrieg ? (1/2)
L’écrivain allemand Johann Wolfgang von Goethe écrivait qu’une « dépendance volontaire est le plus bel état. » Pernicieusement, c’est une telle dépendance qui se diffusera en Allemagne au prélude de la Seconde Guerre mondiale. L’invention de la Pervitin, procédé de synthèse inédit de la méthamphétamine, l’amorce. Son usage s’étend du civil au domaine militaire. Il est le point névralgique de la Guerre Eclair ou Blitzkrieg, laquelle esquisse les hostilités à l’égard des Alliés.
De l’origine de la Pervitin
L’Allemagne est, dans les années 1920, le principal exportateur d’héroïne et les entreprises allemandes contrôlent 80 % du marché mondial de la cocaïne. Pendant les années 1930, l’industrie allemande travaille sur les produits de synthèse. La crainte de pénuries l’explique essentiellement. Ces travaux participent au succès de la chimie de l’Allemagne dans l’entre-deux-guerres. C’est ainsi qu’en 1937 la Pervitin voit le jour dans la firme Temmler. Norman Olher décrit dans son Extase totale (1) l’effet de ce stupéfiant comme « un coup de fouet artificiel ». Il euphorise et tonifie. En particulier, il suspend la sensation de faim et le besoin de sommeil.
Accessible à tous, son usage se généralise et devient finalement banal. « Le spectre d’utilisation de la Pervitin ne connaît plus de bornes » (1). En 1939, à l’automne, Leonardo Conti, secrétaire d’Etat de l’office de la Santé du Reich, tente vainement de restreindre son usage. Cependant, ses tentatives sont tenues en échec, la Pervitin étant devenue une évidence, de surcroît du fait de son rôle militaire stratégique.
Guerre éclair ou tempête chimique ?
La campagne de Pologne de 1938 sert de premier terrain d’essai militaire. Cette invasion a pour conséquence l’entrée en guerre de l’Europe occidentale contre l’Allemagne. Or, cette dernière n’était pas prête. En témoignent les propos de Hadler, le chef d’état-major du Reich : « Dans l’ensemble, le temps va jouer contre nous si nous ne parvenons pas à l’utiliser mieux. La supériorité économique est dans l’autre camp. »
A ce moment historique, Hitler fait un choix tellement intrépide que les généraux sont tentés de le renverser. Il choisit de suivre le plan audacieux des militaires Erich von Manstein et Heinz Guderian. Il s’agit de lancer un grand nombre de tanks par les Ardennes belges avant d’atteindre rapidement Sedan puis de finaliser l’attaque en atteignant la côte Atlantique. L’impétuosité réside dans le caractère présumé infranchissable des Ardennes belges. Cela permettrait toutefois de déjouer les prévisions d’attaque des Alliés au Nord et annihilerait une guerre de tranchée par une guerre éclair (Blitzkrieg). La vitesse et la surprise composent le point nodal de cette stratégie inouïe. L’infériorité matérielle allemande serait ainsi phagocytée. Hitler prend cette décision en rencontrant les deux généraux, le 17 février 1940.
Cette stratégie nécessite toutefois que les Allemands progressent sans pause donc sans sommeil. On favorise alors l’usage de la Pervitin, à raison a minima d’un comprimé le jour et d’un la nuit. Si l’utilisation de drogues pendant la guerre a débuté dès l’Antiquité (2), la Wehrmacht est la première armée du monde à parier sur une drogue chimique. Partant, une nouvelle forme de guerre s’élabore. Pour la mettre en œuvre, la Wehrmacht commande 35 millions de doses à l’usine Temmler.
Sources
(1) L’extase totale (septembre 2016) – Norman Olher – Edition La découverte (septembre 2016)
(2) Les drogue et la guerre, de l’Antiquité à nos jours (mai 2017) – Łukasz Kamieński – Nouveau Monde Editions (mai 2017)